Un tambour sacré ivoirien bientôt de retour au pays : la France adopte enfin une loi de restitution

Un tambour sacré ivoirien bientôt de retour au pays : la France adopte enfin une loi de restitution

Un symbole du patrimoine ivoirien s’apprête à quitter les réserves françaises pour retrouver sa terre d’origine. Ce lundi 7 juillet 2025, l’Assemblée nationale française a voté à l’unanimité une loi autorisant le retour du tambour “parleur” Djidji Ayôkwé en Côte d’Ivoire, près de 109 ans après son spoliation par les autorités coloniales.

🥁 Un instrument ancestral, voix du peuple Atchan

Le Djidji Ayôkwé, ou tambour Ébrié, est bien plus qu’un simple instrument de musique : c’est un outil de communication traditionnel, utilisé par le peuple Atchan pour transmettre des messages à longue distance — jusqu’à 20 km à la ronde. Ce tambour de 3,3 mètres de long, pesant 430 kg, sculpté avec minutie, servait à rassembler le peuple, à alerter d’un danger ou à appeler à la mobilisation.

Mais en 1916, en représailles à une résistance locale au travail forcé sur la route Abidjan–Abobo, les autorités coloniales françaises confisquent le tambour, marquant un traumatisme durable pour la communauté. Depuis, le Djidji Ayôkwé a voyagé : du musée du Trocadéro à Paris jusqu’au musée du quai Branly, où il a été restauré… et oublié dans une caisse.

🕰️ Une restitution retardée, malgré les engagements

La Côte d’Ivoire réclame officiellement le retour du tambour dès 2019, dans une liste de 148 œuvres culturelles pillées. En 2021, Emmanuel Macron promet publiquement la restitution, mais comme bien souvent dans les affaires de patrimoine africain, les promesses se heurtent à l’inertie législative.

Il a fallu qu’une délégation de sénateurs français, après un séjour en terre ivoirienne, prenne conscience du caractère hautement symbolique de l’objet pour relancer le processus. Leur mobilisation a abouti à la rédaction d’une loi spéciale, seule manière juridique de retirer une pièce des collections publiques françaises.

⚖️ Une loi indispensable… faute de loi-cadre

En France, les biens culturels publics sont déclarés “inaliénables et imprescriptibles”, ce qui signifie qu’ils ne peuvent être ni cédés ni vendus, sauf disposition législative spécifique. Une loi pour chaque objet, donc.

“On ne peut pas donner ce qui est juridiquement inaliénable sans passer par le Parlement”, explique Vincent Négri, chercheur au CNRS.

Cette démarche au cas par cas fait de la France un pays en retard par rapport à ses voisins européens. Tandis que l’Allemagne, la Belgique ou même la Suisse ont déjà établi des lois-cadres pour la restitution des biens culturels volés durant la colonisation, la France reste engluée dans des procédures chronophages et politiquement sensibles.

🇫🇷 Un paradoxe français persistant

Ce retour du tambour fait écho au rapport Sarr/Savoy de 2018, qui avait recommandé une restitution massive et structurée des œuvres africaines. Ironie du sort : ce rapport a eu plus d’impact à l’international qu’en France même.

“La dynamique de restitution est bloquée par l’absence de majorité parlementaire claire sur ces questions. C’est un paradoxe alors que c’est la France qui a initié cette discussion”, déplore encore Vincent Négri.

⏳ Encore un an avant le retour au bercail

La loi votée ce 7 juillet 2025 prévoit que les autorités françaises disposent d’un délai maximal d’un an pour organiser le retour officiel du tambour Djidji Ayôkwé sur le sol ivoirien. Un symbole fort de justice culturelle, mais aussi un rappel cinglant des retards structurels de la France dans la restitution des trésors arrachés aux peuples africains.

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